Suite..... Exile 


Dans la chambre de Robert dormaient deux autres gars. Ils étaient allongés paisiblement et ronflaient. Il se disait que ces types ne mesuraient pas leurs conditions de pré-extradés vers des pays qu’ils avaient fui il y a longtemps. 

L’un avait quitté son pays depuis sept ans et l’autre depuis dix ans. Il savait ce que c’était être extradé. Il était retourné deux fois par force. Torturé et humilié pendant des mois, il se jeta sur les pas de l’exil et prit le chemin de la grande route, le Sahara. Il était revenu en Belgique, et maintenant il méditait la manière dont il allait revenir en Belgique. Il ne comptait pas sur la clémence du juge. Son crime n’était pas seulement être sans papiers, mais le vol qu’il commettait au centre-ville de la capitale, le quartier chic de l’Union européenne. On l’avait arrêté en volant des costumes Boss dans un magasin à rue neuve. 

Il avait avec lui, toute une valise de costumes de marques volés. Dans la vie pour voler, il faut avoir une femme, sinon l’homme reste tranquille. Les gouvernants qui se font corrompre, les fonctionnaires qui monnayent leurs services, les petits voleurs et les délinquants, tous des femmes l’attendent dans un coin pour vider leurs poches. Robert avait aussi sa femme à lui. Il chapardait les grands magasins et la femme qui l’attendait dans le coin , il la surnommait « deuxième bureau » , vidait ses poches. La neige venait de s’arrêter. Le gazon blanchit  le fascinait merveilleusement. Ça  faisait longtemps qu’il n’avait pas profité de cette beauté de la nature. Visionner la neige en pleine nuit, quelle magie ! ça le faisait rêver et il retournait dans son enfance. A l’école primaire, en feuilletant les livres scolaires, comme Alice aux pays de merveille et d’autres bandes dessinées qui parlaient de la neige en Europe, ça l’enthousiasmait. Il se disait là où le ciel et la terre se joigne est la neige. En rentrant à la maison, il se jetait sur ces livres et replongeait dans ses rêveries. 

Partir, partir, est le seul mot qui le tenaillait. Mais il ne pouvait pas partir puisqu’il était un petit gamin qui se savait vulnérable. Alors que maintenant qu’il se remémorait ces lointains souvenirs, il souriait au fond de lui-même. L’ironie du sort, en arrivant aux pays de neige on le refoulait. Dans le centre fermé, les gens dormaient, d’autres étaient éveillés. Ils n’arrivaient pas à trouver le sommeil. Ce soir que Robert joignait sa situation de détenu à ses souvenirs d’antan, une fille de vingt ans se pendait et d’autres femmes la sauvaient in extremis. Des arabes assis dans le couloir bavardaient tristement. Deux jeunes russes ne savaient comment dormir et regardaient le plafond. Il venait de se rappeler le propre parole de son avocat : Tu sais Robert, pour toi c’est le retour puisque ton ambassade a accepté de délivré un sauf conduit. 

Il avait quarante deux ans, il avait passé plus de dix ans en Belgique. Sans papiers, l’étranger n’avait pas le choix. Sois il travaillait dans le noir, ce qui faisait jubiler les patrons ; ils pouvaient exploiter à merveille cet être sans droit. Sois il fallait voler au risque de se faire prendre et de se voir refouler du sol belge. De toute façon, disait Robert, tu es à la merci de la police pour un retour forcé, donc pourquoi travailler pour un petit patron escroc. Fallait chaparder les grands magasins et se faire du fric. Durant toutes ces années où il chapardait, il lui vint une idée de se faire une maison au pays afin de montrer aux gens du pays que si ils les voyaient de retour que c’était un type qui avait réussi. Comme il était fatigué de rester aux pays de blancs, il avait décidé de s’installer chez lui dans sa propre maison. 

La première fois qu’il vola une voiture Volkswagen Golf, il la vendit et investissait la somme gagnée au pays. Il s’acheta un terrain. Et à chaque fois qu’il volait un truc et qu’il parvenait à vendre il envoyait l’argent chez sa sœur à qui il faisait confiance. Sa sœur recevait de lui chaque mois une aide. Elle l’aimait bien. La brave fille construisait petit à petit la maison à lui et un beau jour elle annonça que la construction était finie. Elle lui envoya des photos. Il ne croyait pas ses yeux. Une villa avec sa piscine et son jardin. Le comble de la joie. En volant, chapardant, il était parvenu à ces fins. En rêvassant, il s’endormit.

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