Suite.....

La nuit, la neige tombait merveilleusement sur la pelouse du dehors. Les détenus regardaient par la fenêtre cette liberté qu’avait la neige et ces flocons chanceux. L’homme était dépourvu de mouvement alors que les choses inanimées vagabondaient librement dans la nature. Robert, le congolais sapeur, était assis à côté de la fenêtre et contemplait tristement cette blancheur qui enveloppait l’horizon. Il venait d’avoir quarante-deux ans. Il était là en Europe depuis bien longtemps. Presque vingt-deux ans. Il était piégé dans ce centre à cause de ces négatifs qu’il recevait en cascade à chaque fois qu’il demandait l’asile. Avant de quitter son village, au temps de Mobutu, il chapardait les vieux et les vieilles ; un jour en voyant un vieux qui marchait seul, il le dévalisa et prit son portefeuille. Ce vieux était un griot qui disait la vérité et l’avenir. Il égrena son chapelet et su que le voleur était le petit  fils d’un ancien voleur du quartier reconverti au business de voitures volées auparavant du pays.

Ah, se dit-il, il faut rien attendre de cette engeance. Mais, tiens, je vais lui jeter du sort et ça le tiendra toute sa vie. Je sais qu’il veut aller en Europe et je lui interdit d’avoir les papiers des blancs. Ahah ah ahah, je le vois qui chaparde déjà aux pays de blancs.

Avant qu’il prenne le bateau qui allait l’emmener à Anvers, un racontar arriva vers lui et lui annonça cette vérité terrible : le griot te jette un sort.

En ce temps-là, Robert ne croyait pas au sort, il l’associait au charlatanisme qui avait retardé le Congo. En vérité la science du griot avait marché, elle le tenait par le bout de ses doigts en l’obligeant à chaque instant de redemander l’asile.

Même lorsqu’il épousa une allemande qui était amoureuse de lui et richissime. Cette fille était issue d’une famille industrielle et elle travaillait en tant que comptable pour le compte de son père. Il l’avait connu dans un bar qu’il fréquentait à Francfort. Sa roublardise lui donna l’idée de se faire passer pour un afro-américain, un militaire stationné à Stuttgart. La fille était charmée par ce mec. Dès qu’ils s’installèrent ensemble, il lui dit la vérité.

-        Ecoute ma chérie, suis pas Américain mais Congolais, je t’ai menti pour t’avoir comme le chasseur ment au gibier.

-        Comment le chasseur ment-il au gibier ? Demanda-t-elle.

-        Ah, ah, ah, mais il met le piège et basta le gibier dessus et bam bam le pauvre est pris. Je voulais t’avoir seulement chérie.

 

La fille avait bien compris au début qu’il n’était pas Américain mais elle le laissa croire qu’elle avalait ce qu’il crachait par la bouche. Son accent le trahissait.  

 

 

 

 

Dans la chambre de Robert dormaient deux autres gars. Ils étaient allongés paisiblement et ronflaient. Il se disait que ces types ne mesuraient pas leurs conditions de pré-extradés vers des pays qu’ils avaient fui il y a longtemps.

L’un avait quitté son pays depuis sept ans et l’autre depuis dix ans. Il savait ce que c’était être extradé. Il était retourné deux fois par force. Torturé et humilié pendant des mois, il se jeta sur les pas de l’exil et prit le chemin de la grande route, le Sahara. Il était revenu en Belgique, et maintenant il méditait la manière dont il allait revenir en Belgique. Il ne comptait pas sur la clémence du juge. Son crime n’était pas seulement être sans papiers, mais le vol qu’il commettait au centre-ville de la capitale, le quartier chic de l’Union européenne. On l’avait arrêté en volant des costumes Boss dans un magasin à rue neuve.

Il avait avec lui, toute une valise de costumes de marques volés. Dans la vie pour voler, il faut avoir une femme, sinon l’homme reste tranquille. Les gouvernants qui se font corrompre, les fonctionnaires qui monnayent leurs services, les petits voleurs et les délinquants, tous des femmes l’attendent dans un coin pour vider leurs poches. Robert avait aussi sa femme à lui. Il chapardait les grands magasins et la femme qui l’attendait dans le coin , il la surnommait « deuxième bureau » , vidait ses poches. La neige venait de s’arrêter. Le gazon blanchit  le fascinait merveilleusement. Ça  faisait longtemps qu’il n’avait pas profité de cette beauté de la nature. Visionner la neige en pleine nuit, quelle magie ! ça le faisait rêver et il retournait dans son enfance. A l’école primaire, en feuilletant les livres scolaires, comme Alice aux pays de merveille et d’autres bandes dessinées qui parlaient de la neige en Europe, ça l’enthousiasmait. Il se disait là où le ciel et la terre se joigne est la neige. En rentrant à la maison, il se jetait sur ces livres et replongeait dans ses rêveries.


A suivre....

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